Le Sénat a conduit durant 6 mois durant une mission commune d’information sur l’herboristerie prouvant ainsi sa capacité à s’inscrire dans les débats de notre époque, qui voit une frange grandissante de nos concitoyens aspirer à des soins plus naturels et rechercher le bien-être via les plantes médicinales et leurs dérivés (huiles essentielles, compléments alimentaires…). A l’initiative de mon collègue Joël Labbé, cette mission a effectué un travail très important, dont la qualité et la richesse ont été saluées.

Ces conclusions ont aboutit à un rapport (Version synthétique ICI) qui brosse un portrait complet de la filière dans notre pays. Retraçant son histoire, il détaille ses évolutions, son potentiel, son ancrage profond dans les territoires, ses vertus écologiques, son cadre réglementaire contraint et flou ainsi que son besoin de reconnaissance officielle. Il formule 39 propositions pour valoriser ce patrimoine naturel, amplifier le développement d’une filière agricole compétitive et respectueuse de l’environnement, faire évoluer le cadre réglementaire et inscrire plus nettement les plantes médicinales dans notre système de soin.

Ce rapport est le fruit d’un consensus qui a été long à bâtir et qui témoigne de la capacité du Sénat, en dépit de désaccords parfois difficilement conciliables, à réfléchir de manière constructive pour formuler des propositions à même de faire évoluer le droit quand cela s’impose. Cela peut entraîner une frustration légitime quand les propositions ne vont pas aussi loin ou aussi vite que l’on espérait, mais c’est néanmoins une garantie de progrès.

          Des propositions ambitieuses :

Le Sénat est donc unanime pour promouvoir la filière agricole des plantes à parfum aromatique et médicinale (PPAM) et commerciale, notamment via son inscription au patrimoine immatériel de l’UNESCO, pour favoriser son développement, en renforçant la formation, en créant une interprofession et en assurant sa reconnaissance dans les règlements européens. Il souhaite l’inscrire pleinement dans la transition vers une agriculture respectueuse de l’environnement en fixant un objectif de 50 % de surfaces cultivées en bio, en renforçant les aides à la conversion et paiements pour services environnementaux, et la transparence à destination des consommateurs avec la création d’un label « Plantes de France ».

Ce rapport fait une large place à l’Outre-mer dans ce rapport. Avec 80 % de la biodiversité française et 10 % de la biodiversité mondiale, les territoires d’outre-mer représentent un vivier considérable pour le développement de l’herboristerie, de la pharmacopée en générale et bien sûr de la connaissance botanique. Il convient également de saluer la volonté de réexaminer la liste des 148 plantes médicinales pour la compléter avec les plantes d’outre-mer et d’enrichir cette liste de leur propriétés (non curatives) reconnues.

S’agissant du cadre règlementaire, le Sénat a aussi su s’accorder sur la nécessité de règlementer la fabrication et l’usage des huiles essentielles et des cosmétiques notamment en réfléchissant à un statut unique des productions artisanales à base de plantes.

La volonté de favoriser l’usage thérapeutique du chanvre est également une excellente proposition qui encouragera le développement d’une filière en pleine expansion. La commercialisation des feuilles et des fleurs de chanvre, qui rappelons-le n’ont pas d’effets psychoactifs, permettra le développement d’une filière du cannabidiol (CBD). Cette molécule non psychoactive présente des propriétés thérapeutiques étonnantes (notamment anti-inflammatoires), reconnues par l’OMS et que la recherche commence à mettre au jour. Dotée de propriétés anxiolytiques, elle est également utilisée pour composer des liquides de vapotage et pourrait donc contribuer au sevrage tabagique et nicotinique, comme tendent à le suggérer les premières études sur le sujet.

Un blocage regrettable sur la reconnaissance du métier d’herboriste :

Par contre,  je regrette vivement que la proposition de reconnaissance du métier d’herboriste n’ait pas été retenu dans le rapport. Faute de reconnaissance du métier, faute de reconnaissance du diplôme, il existe un vide juridique considérable qu’il revient de combler. En effet, ce flou juridique est dangereux pour les consommateurs. Faute de reconnaissance du métier, les charlatans peuvent prospérer grâce à la vente directe en ligne et les velléités d’automédication de certains de nos concitoyens.

La pratique de l’herboristerie n’a pas cessé avec la suppression du certificat d’herboriste en 1941. Elle s’est autogérée, a créé ses propres écoles de formations et ses propres règles. Alors que l’usage des plantes médicinales est en croissance constante, il est inconcevable de laisser la filière dans un tel flou juridique. Contrairement aux arguments trop entendus des médecins et des pharmaciens, – très bien représentés parmi les membres de cette mission – ce n’est pas rendre service aux usagers que de laisser le monopole de la médication officinale aux pharmaciens, bien au contraire.

La pharmacie et l’herboristerie sont parfaitement complémentaires et on a  du mal à comprendre les profondes réticences des pharmaciens à reconnaitre les métiers d’herboriste (paysan-herboriste et commerçant-herboriste) comme une profession intermédiaire et non-médicale.  Bien des pays, notamment la Belgique ou le Canada proposent des exemples de législation équilibrée permettant un exercice encadré de l’herboristerie sans dimension médicale. Rappelons que l’objet n’est pas de remplacer la médecine traditionnelle, mais bien de permettre à nos concitoyens désireux de se tourner vers l’herboristerie pour soigner les petits maux du quotidien, de pouvoir bénéficier de produits contrôlés et d’une information sûre et reconnue.

Avec le rapporteur Joël Labbé, nous poursuivrons la réflexion sur la reconnaissance métier d’herboriste  d’un groupe de travail avec l’ensemble des sensibilités politiques. J’espère vivement que nous pourrons ainsi avancer sur le développement et l’harmonisation de la formation ainsi que sur la reconnaissance des métiers de l’herboristerie.

Pour approfondir c’est ICI