La Commission mixte paritaire (CMP) réunissant 7 députés et 7 sénateurs est parvenue le 13 juin à trouver un compromis sur le projet de loi pour l’école de la confiance, plus communément dénoncée par la communauté éducative sous le nom de « loi Blanquer ».

La CMP dans l’obligation de trouver un accord pour permettre à la loi d’entrer en vigueur à la rentrée scolaire 2019, a du coup débarrassé le texte de ses mesures les plus symboliques et les plus néfastes. Ainsi il n’y aura pas d’obligation de mettre de drapeaux dans les classes comme le souhaitait l’Assemblée (mesure inutilement coûteuse alors que l’école manque cruellement de financements) pas plus que de suppression des allocations familiales pour les familles des élèves absentéistes ou d’interdiction des signes ostentatoire de religions pour les parents accompagnant les sorties scolaires, mesures scélérates, dogmatiques et contre-productives introduites pas la droite sénatoriale.  Il est heureux de constater que les droites se soient neutralisées elle-même dans leur concours Lépine de mesures aussi symboliquement rétrogrades que profondément inutiles.

Pour poursuivre dans le registre du soulagement, on soulignera que disparaissent définitivement dans les limbes de la procédure parlementaire les « établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux ». Cette disposition, véritable machine à faire disparaitre les écoles en zone rurale, aurait permis de fusionner les écoles et les collèges… Le Sénat s’y est fermement opposé et a obtenu gain de cause.

Dernier motif de satisfaction, la formation des enseignants ne se fera pas sur leur temps de repos, mais sur leurs heures travaillées. Sur ces points la mobilisation du corps enseignant et des familles a payé. C’est heureux et cela confirme que les seules batailles perdues d’avance sont celles que l’on ne mène pas.

Alors que reste-t-il dans ce texte, qualifié à juste titre par le rapporteur du Sénat de « bavard, peu lisible et confus », après les aléas d’une procédure parlementaire qui aura fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

L’obligation de la scolarisation des enfants dès 3 ans. Mesure phare du candidat Macron, avant tout symbolique car dans les faits 98 % des bambins de cet âge le sont déjà. Pour mettre en place cette mesure, le ministre a tout de même réussi l’exploit de créer une rupture d’égalité entre les communes : celles qui finançaient déjà les maternelles privées ne toucheront pas un centime et celles qui seront désormais obligées de le faire seront remboursées par l’Etat…

La loi prend également le temps d’insulter les professeurs en les rappelant à leur « devoir d’exemplarité », une marque supplémentaire de défiance à l’égard des enseignants… Il est peu probable qu’on règle la crise de vocation que connait l’enseignement avec un tel mépris, qui n’a, au demeurant, qu’une portée juridique très faible.

Dans la même veine du mépris de l’administration centrale et du ministre pour les personnels de l’Education nationale, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) dont la composition le rendait indépendant, est supprimé et remplacé par le Conseil d’Evaluation de l’Ecole (CEE) à la main du ministère (même si les présidents des Assemblées se sont arrogés le droit de nommer quelques-uns des membres) qui s’assurera d’organiser la concurrence entre les établissements dans la logique méritocratique chère aux premiers de cordées.

Car, il est urgent de recentraliser les affaires scolaires pour répondre à l’objectif à peine dissimulé de ce projet de loi et de ce ministre : gérer la pénurie de moyens en créant une école à deux vitesses plutôt que de financer l’Education nationale à la hauteur des besoins induits, entre autres, par la croissance démographique. On en veut pour preuve la création des « Etablissements publics locaux d’enseignement international » (EPLEI), établissements « d’excellence » entérinant une logique profondément inégalitaire.

Et ce n’est certainement pas le sort réservé aux Auxiliaires de Vie scolaires (AVS) et aux Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) désormais inscrits dans des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), qui améliorera l’inclusivité de l’école. Ce dispositif entérine une mutualisation des moyens au détriment de l’accompagnement personnalisé de nombreux élèves en situation de handicap. On fait primer les besoins de l’institution sur les besoins des élèves… Par ailleurs, ce projet de loi ne prévoit aucun effort pour améliorer la situation de ces personnels dont le travail aux côtés des élèves est indispensable et qui continueront de vivre avec des salaires faibles, sans formation, sans statut, ni reconnaissance.

Par ailleurs, la promesse présidentielle de dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 doit s’accompagner de la création de près de 12 000 postes d’enseignant dont on ne voit pas la couleur, au risque de déshabiller Paul pour habiller Pierre et d’une désorganisation massive des autres niveaux scolaires…

Si la loi de finances 2020 finit par créer ces postes, il faudra recruter sans compter sur la revalorisation du métier d’enseignant qui attendra également, comme tous les problèmes de notre école : moyens financiers et matériels, crise des vocations, reproductions des inégalités…, auxquels ce projet de loi ne répond aucunement. Comme l’évoquait mon collègue Pierre Ouzoulias en séance publique : nous sommes très loin de la grande loi dont l’école de la République a besoin, pour, selon les mots de Condorcet, « contribuer [au] perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée ».