Mardi 02 octobre, à une immense majorité de 313 voix contre 21, le Sénat a adopté une proposition de résolution invitant le Gouvernement à prendre davantage en considération les difficultés du monde pastoral et à y apporter davantage de solutions et de moyens.

Je me suis exprimé en séance publique pour apporter le soutien de mon groupe à cette proposition de résolution. J’ai rappelé le caractère indispensable du pastoralisme, mode d’élevage extensif respectueux des animaux et de l’environnement, à la vie de nos montagnes.

S’agissant de la question de la prédation et en particulier du loup, j’ai émis une réserve avec le texte en insistant sur la nécessité d’éviter un faux débat faisant miroiter aux éleveurs la possibilité de déprotéger et d’éradiquer l’espèce. Une telle entreprise, extrêmement complexe et hautement incertaine, nous détourne du véritable enjeu : accompagner l’inévitable et nécessaire cohabitation entre l’élevage et le prédateur.

Retrouvez mon intervention :

Merci Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la présidente du groupe de travail,

Mes chers collègues,

La proposition de résolution que nous examinons est une initiative bienvenue tant le pastoralisme doit faire face à des difficultés grandissantes. Ce mode d’élevage, respectueux des animaux :

  • prévient des risques naturels ;
  • protège les écosystèmes ;
  • et accompagne les autres activités humaines.

Il est tout simplement indispensable à la vie de nos montagnes. Nous devons tout faire pour le préserver !

Malheureusement, sa situation se dégrade de manière structurelle et cela pour plusieurs raisons :

  •      la rudesse du métier ;
  •      une crise des vocations ;
  •       les difficultés économiques du monde agricole
  •       la raréfaction du foncier ;
  •      une forte dépendance aux fragiles subventions européennes ;
  •     réchauffement climatique et de la sécheresse. Etc…

Le retour des grands prédateurs, particulièrement du loup, est venu noircir ce tableau déjà alarmant. La détresse et le sentiment d’impuissance des éleveurs grandissent et il nous faut y répondre impérativement. Mais comme tente de le faire cette proposition de résolution, comme tente de le faire également le « plan national d’actions pour le loup ET les activités d’élevage », c’est de manière globale qu’il faut appréhender le problème.

Aussi nous partageons les constats, les considérants et la plupart des invitations au Gouvernement que formule cette PPR. En particulier :

–  La nécessité de sanctuariser les zones de pâturage de type garrigues ou maquis dans le périmètre des aides PAC.

–   La nécessité d’améliorer la connaissance scientifique de l’éthologie du loup pour proposer des modes de protections des troupeaux mieux adaptés.

Monsieur le Ministre, Le « plan loup » porte les germes d’une véritable politique pastorale que nous appelons de nos vœux. Le Gouvernement doit maintenant s’engager sur des moyens financiers suffisants pour :

  • développer les brigades loup ;
  • recruter des aides-berger ;
  • accompagner le dressage des chiens de protection ;
  • indemniser promptement et justement les éleveurs ;
  • les accompagner après le traumatisme d’une attaque ;
  • conduire les recherches nécessaires sur le prédateur.

A ce jour, les moyens annoncés nous semblent insuffisants.

Je m’inscris d’ailleurs en faux contre le discours trop souvent entendu sur les bancs de la majorité sénatoriale – même si absent de ce texte – selon lequel « le loup coûterait trop cher ». C’est trop vite oublié qu’entre la moitié et les trois quarts des 26 millions du « plan national d’action sur le loup ET les activités d’élevage » est directement attribuée aux activités d’élevage justement, comme l’embauche d’aides-bergers. On ne peut pas, dans le même temps, dénoncer des moyens insuffisants et refuser à l’Etat de trop dépenser.

A titre de comparaison, on rappellera que les seules indemnisations des agriculteurs victimes des sangliers, s’élèvent à environ 50 millions d’euros par an…

L’heure est pourtant grave et appelle une mobilisation générale pour la préservation du pastoralisme et de la biodiversité.  Pour cette raison, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution que nous avons pu amender quelque peu.

Nous voterons favorablement avec une réserve importante. Si une réflexion à l’échelle européenne est indispensable, l’invitation à réviser le niveau de protection des grands prédateurs aux niveaux européen et international n’est pas acceptable et ne peut représenter une solution viable.

Entendons-nous bien, nous comprenons tout à fait la nécessité d’abattre un animal pour protéger un troupeau et prenons la pleine mesure de la nécessaire régulation à mettre en place.

Ce n’est pas faire justice au pastoralisme que de considérer, comme le font certains, que son salut passera par l’extermination des prédateurs. C’est un miroir aux alouettes, un message facile que l’on propose aux éleveurs. Un tel combat international mobiliserait une énergie et un temps considérable sans aucune garantie de réussite. C’est autant de temps et d’énergie qu’on ne consacrerait pas à travailler à l’inévitable et nécessaire cohabitation entre prédateur et troupeaux.

Même dans le cas improbable où la chose serait autorisée, exterminer les prédateurs sur notre sol ne serait pas une mince affaire. Durant des siècles, nous avons tenté de chasser le loup. Nous avons pour ce faire, mobilisé des milliers d’hommes, même l’armée sous l’Empire et nous avons brûlé des milliers d’hectares de forêts. Aujourd’hui encore, il est très difficile d’abattre un loup et encore plus d’exterminer une meute. Le directeur de l’ONCFS me confiait récemment qu’aux 37 prédateurs prélevés en 2017, correspondaient 1240 autorisation de tirs délivrées par le préfet.

De la même manière, nous le savons, il n’est pas beaucoup plus simple de contenir la surpopulation de sangliers – pourtant animal non protégé – qui ravagent nos cultures.

Comme nos voisins Européens, accompagnons la cohabitation. L’enjeu consiste à la fois à mieux protéger les troupeaux et à mieux accompagner les éleveurs avant et après les attaques.

Il est également indispensable de développer des modes de protection alternatifs et tester de nouvelles techniques d’effarouchement tels que les tirs non létaux ou le piégeage.

Dans les territoires à la recherche de réponses concrètes, des initiatives se mettent en place. Je pense par exemple au projet d’expérimentation du Parc Naturel du Vercors, que je vous invite à soutenir M. Le Ministre. Après plusieurs mois de concertation avec tous les acteurs concernés (éleveurs, associations environnementales, élus, services de l’Etat, etc), le parc a adopté à l’unanimité le 19 septembre dernier un plan d’actions visant à mieux protéger les troupeaux, soutenir l’activité pastorale et touristique et permettre une cohabitation la plus raisonnable possible avec le loup.

C’est le projet le plus équilibré, le plus efficace et le plus honnête à proposer à nos éleveurs. C’est le moyen le plus sûr pour sortir des postures, en agissant sans attendre pour préserver le pastoralisme.

Cette PPR formulant de nombreuses propositions en ce sens, nous la voterons en dépit de nos réserves. Il est important de sortir de l’affrontement stérile sur le loup ou l’ours et de parler d’une seule voix pour défendre le pastoralisme et la biodiversité.

Je vous remercie.