Au mois de septembre, le Gouvernement nous proposait son projet de loi pour lutter contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, censé être le fruit de 2 ans de concertation, projet en fait très pauvre au regard de son ambition et de la « feuille de route de l’économie circulaire » qui lui sert de colonne vertébrale.

J’exprimais ce sentiment en début d’examen du texte :

L’examen de ce projet de loi était attendu, 27 ans après le denier texte global sur la gestion des déchets. Il est plus que temps de faire du recyclage la norme et de la réduction drastique des déchets le nouvel horizon. Force est de constater que nous sommes en retard et que ce projet de loi ne répond que partiellement à cette urgence.

Notons néanmoins que ce texte comporte de bonnes mesures : L’information simplifiée des consommateurs est bienvenue ; la création de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour améliorer la collecte de nombreux déchets problématiques comme les piles, les mégots ou les lingettes est aussi une solution intéressante (moyennant précautions sur lesquels je reviendrais). Je salue aussi l’interdiction du plastique oxodégradable et les mesures pour limiter les dépôts sauvages.  Tout cela va dans le bon sens, mais reste largement insuffisant. Comme pour la loi d’orientation des mobilités, nous sommes face à une petite loi sympathique mais qui ne répond que très partiellement à l’urgence écologique.

Il est dommage que la ministre ait choisi d’articuler son effort politique et sa communication autour d’une mesure phare, qui s’est révélée être une imposture : le retour de la consigne, mais d’une consigne pour recyclage gérée par des industriels. Ce qui revient en somme à privatiser le recyclage des bouteilles plastiques et des canettes, celui qui rapporte de l’argent naturellement, selon le processus bien connu de privatisation des profits et de socialisation des pertes.

La fausse « consigne » rejetée :

Vous avez lu ou vous allez lire partout des titres de presse simplifiés expliquant que le « Sénat rejette le retour de la consigne ». C’est faux. Le Sénat a refusé le projet de « consigne » du Gouvernement. Il a réécrit la loi pour redonner à la consigne sa vraie signification : celle du réemploi et de la réutilisation.

La « consigne » pour recyclage est une idée catastrophique pour plusieurs raisons :
– Elle privatise le tri sélectif et affaiblit les moyens des collectivités locales.
– Elle fait payer un surcoût sur l’emballage au consommateur  et l’oblige à le rapporter pour ne pas être pénalisé plutôt que de le mettre dans le bac de recyclage de sa commune.
– Elle crée une distinction entre les produits dont le recyclage peut rapporter de l’argent et les autres et affaiblit l’effort global de recyclage.
– Elle donne une image vertueuse du plastique alors que son recyclage est hautement imparfait et qu’il faut toujours 50 % à 70 % de plastique neuf pour fabriquer une bouteille.

Bref, ce projet de « consigne » était porté par les industriels de la boisson et le Sénat s’est unanimement élevé contre et il a bien fait ! Le Gouvernement joue sur le mot pour communiquer sur ce texte, mais on est très loin de la consigne de nos grands parents dont les Français.es veulent le retour.

Il est dommage que la ministre ait choisi de faire de cette disposition le cœur de son projet de loi, car il y’avait bien d’autres choses à mettre en avant et à développer ce à quoi s’est employé le Sénat.

Tout d’abord, à notre initiative, le Séant a inscrit dans le marbre de la loi la promesse gouvernementale de 100 % de plastique recyclée en 2025. Curieusement, la ministre l’avait oublié…
Puisque l’on parle du plastique et avant de parler du reste du texte, je reviens quelques instants sur l’épisode rocambolesque du dernier jour de séance.

Peu de réduction du plastique à la source :

Un projet de loi pour l’économie circulaire digne de ce nom aurait dû s’accompagner d’une stratégie de sortie du plastique, ce produit n’étant pas circulaire (ni biodégradables, ni vraiment recyclable) et constitue le principal gisement de pollution des écosystèmes.

C’est tout juste si le texte prévoyait l’interdiction du plastique dit oxodégradable (celui qui se fragmente le plus vite, donc le plus dangereux pour la faune), une exigence européenne.

Rien de plus… Alors nous avons proposé une stratégie de sortie du plastique à usage unique en 2040 (pas seulement les pailles et les gobelets qui seront interdits à partir de 2020, TOUS LES EMBALLAGES et plastiques à usage unique), objectif qui nous semblait acceptable pour le Gouvernement, même si nous considérons pour notre part qu’il faudrait aller plus vite. Cet amendement a tout d’abord été adopté lors des débats avant de faire l’objet d’un second vote à la demande complice du Gouvernement de la droite sénatoriale et d’être rejeté.

D’autres amendements très intéressants interdisant sans délai le suremballageles perturbateurs endocriniens et les micro-billes plastiques ont connu le même sort. Du coup on a vécu une journée très bizarre en croyant le matin que le Sénat se portait à l’avant-garde de la lutte contre le plastique avant de déchanter le soir et de réaliser que ce volet était de loin le plus faible du texte de loi modifié par le Sénat.

Avant cette fin en eau de boudin, l’examen d’un texte fût pourtant un moment enthousiasmant tant nous avons pu faire avancer nos idées.

Car, si le projet contenait beaucoup de dispositions intéressantes pour renforcer l’effort de recyclage (information des consommateurs, renforcement de la responsabilité élargie des producteurs (REP ; le principe du « pollueur-payeur »), il était très pauvre sur la limitation des déchets à la source. Nous avons donc proposé et fait adopter nombre de mesures en ce sens. Pour ce faire nous avons travaillé avec de nombreuses associations qui nous ont inspiré et qui nous ont fait des propositions très intéressantes et je tiens à saluer particulièrement Halte à l’obsolescence programmée (HOP), Surfider, le WWF, FNE, le Réseau Vrac, AMORCE, Emmaus et le Réseau national des ressourceries.

Lutte contre l’obsolescence programmée et réparer les produits :

Hormis l’indice de réparabilité (qui informe de la capacité d’un produit à être réparé et de la disponibilité des pièces détachées), il n’y avait presque rien dans le texte à ce sujet, le Sénat a donc décidé d’agir. Pour nous assurer, que cette disposition sera bien appliquée par les industriels, nous avons tout d’abord considérablement renforcé les sanctions en cas d’absence de cet indice sur un produit.

Avec nos collègues socialistes, radicaux et marcheurs, nous avons fait adopter un amendement très fort interdisant toute pratique (matérielle ou logicielle) empêchant de réparer ou de reconditionner un produit. Un véritable droit à la réparation en somme !

Avec des parlementaires de plusieurs groupes membres du collectif climat du Sénat, nous avons fait passer un amendement obligeant les fabricants de téléphone portable à prévoir des mises à jour adaptées à tous les modèles de téléphones et de tablettes jusqu’à 10 après leur mise sur le marché !

L’obsolescence logicielle d’Apple et Samsung, ça suffit !

Nous avons également fait adopter à une large majorité une sensibilisation des collégiens à la réparation via les cours de technologie.

Favoriser le réemploi :

Nous avons également proposé de doubler (à 5 %) la part des déchets réemployés et réutilisés Pour rendre la chose possible nous avons créée à l’unanimité du Sénat un fonds pour le réemploi solidaire financé par les industriels. Nous avons également introduit un objectif plancher de 10 % de produits réemployés dans la commande publique.

Le texte comportait une disposition interdisant de détruire les invendus non alimentaires. Nous l’avons considérablement renforcé en précisant que ces invendus ne devaient être recyclés qu’en cas d’impossibilité manifeste de réemploi. Nous avons également précisé que s’agissant des produits de première nécessité, ces invendus devaient en premier lieu être proposés et donnés aux associations caritatives.

Dans cette même logique de seconde vie des produits, le Sénat a adopté l’amendement de notre collègue Joël Bigot obligeant à apposer sur les gros appareils électriques et électroménagers un compteur d’usage mentionnant leur nombre d’heures de fonctionnement et leur nombre de cycles.

Encadre la responsabilité élargie des producteurs (REP) :

La REP est le cœur de ce texte. C’est le principe du pollueur payeur qui veut qu’un producteur doivent assurer la fin de vie de son produit, a minima en payant pour que quelqu’un s’en occupe à sa place. Ce quelqu’un, ceux sont les éco-organismes, des entreprises remplissant une mission d’intérêt général, chargés, par filière, de collecter les objets dont ils ont la responsabilité et d’assurer leur fin de vie du mieux possible. Ce système la vertu de faire payer les entreprises pour leur activité polluante, mais en échange cela fait 25 ans qu’il fonctionne sans contrôle avec des résultats très contrastés d’une filière à l’autre et qu’il ne couvre que quelques produits (emballages, appareils électriques, piles…)

Ce projet de loi prévoit d’élargir la REP a de nombreux produits (passer de 6 à 20 filières REP) ce qui est plutôt une bonne chose mais à condition de faire évoluer le système. Pour ce faire nous avons fait adopter deux amendements essentiels :
– Ouvrir la gouvernance des éco-organismes aux ONG et aux collectivités locales pour qu’elle puisse contrôler et agir sur leur action.
– Renforcer et systématiser les sanctions pour non-respect du cahier des charges fixé par l’Etat.

Nos collègues socialistes ont également fait adopter un amendement très important qui prévoit que tous les producteurs paient une écocontribution et pas seulement ceux dont le produit fait l’objet d’une filière REP. Ce faisant, ils élargissent utilement le principe du pollueur-payeur à toute l’industrie, une évidence pourtant ignorée depuis 25 ans…

Mais encore :

Nous avons aussi fait adopter un amendement qui me tenait à cœur pour renforcer l’apprentissage des élèves architectes en mettant l’éco-conception et les matériaux biosourcés au cœur de leur apprentissage, ceci afin de limiter à la source les déchets du bâtiment (les 2/3 des déchets du pays).

Nous avons fait adopter deux amendements pour renforcer la vente en vrac : le premier pour autoriser chacun à se faire servir dans son propre contenant (propre et adapté), le deuxième pour autoriser par principe et sauf contrainte incontournable, la vente en vrac de tous les produits sous signe de qualité ou d’origine (bio, Label rouge, AOC…)

Nous avons également fait adopter un amendement pour rallonger les dates limites de consommation quand celles si sont inutilement abaissées (un même produit peut afficher une date de péremption beaucoup plus lointaine quand il est vendu en outre-mer…)

Au chapitre des regrets, hormis le plastique, nous n’avons pas réussi à faire adopter nos propositions pour renforcer les délais de garantie, pourtant le BA-B.A. de la lutte contre l’obsolescence. Sur la gestion des déchets organiques des particuliers, rien non plus alors que la demande citoyenne de compost urbain explose. Malgré des avancées, je trouve que le texte est encore un peu léger concernant la lutte contre les dépôts sauvages.

Bref, on aurait pu espérer beaucoup plus d’ambition pour la 1ere loi sur la gestion des déchets depuis près de 30 ans.

Néanmoins, il est impératif que tout ce qui a été voté au Sénat soit conservé à l’Assemblée nationale lors de l’examen en novembre. Emmanuel Macron et Brune Poirson ne peuvent décemment pas êtres moins ambitieux que le Sénat.